Albert BENSOUSSAN

Né à Alger en 1935, Albert Bensoussan y passe ses vingt-six premières années et en est à jamais marqué. Agrégé de l’université, docteur en études ibériques et docteur ès lettres, il enseigne au lycée Bugeaud d’Alger, puis en métropole, après avoir accompli ses obligations militaires en Algérie pendant dix-huit mois. Assistant à la Sorbonne en 1963, il est professeur de 1966 à 1995 à l’université de Rennes, où il réside (Médaille de la Ville en 1998) en compagnie de son épouse Mathilde. Parallèlement à ses travaux universitaires (Retour des Caravelles, essai sur la littérature latino-américaine, Confessions d’un traître, essai sur la traduction) ce professeur émérite mène avec brio une carrière de traducteur littéraire. Erudit, enthousiaste, il est la voix française du Péruvien Mario Vargas Llosa (La tante Julia et le scribouillard, prix du meilleur livre étranger ; Tours et détours de la vilaine fille), de l’Argentin Manuel Puig (Le Baiser de la femme araignée), des Cubains Guillermo Cabrera Infante (Trois Tristes Tigres, prix du meilleur livre étranger) et Zoé Valdés (L’Eternité de l’instant), mais aussi de Picasso (Ecrits, prix Vasari 1990). Il obtient le prix Cultura Latina de traduction en 1985 et rassemble son expérience dans l’essai J’avoue que j’ai trahi (2005), mais cette « traîtrise » supposée n’est qu’une provocation du langage pour exprimer, au-delà d’une bien réelle fidélité, son attachement passionnel au livre et à l’auteur, cet autre qui lui ressemble, parce que Bensoussan n’a jamais traduit que des écrivains exilés, des personnes déplacées comme lui. Chroniqueur littéraire depuis plus de trente ans, notamment dans La Quinzaine littéraire et Le Magazine littéraire, outre le domaine hispanique dont il a toujours été un fidèle serviteur, il rend compte d’ouvrages en relation avec l’Algérie et le judaïsme, notamment dans Information juive (dont il est, depuis 1961, l’un des plus anciens collaborateurs), dans L’Arche, ou dans L’Algérianiste (où il signe maintes nouvelles), et il publie quelques essais dont L’Echelle sépharade et L’Echelle algérienne. Mais quel que soit l’écrit, on reconnaît toujours la même plume sensuelle, poétique, émouvante, frémissante et passionnée, de celui qui cherche à dire le juste et le vrai. C’est en écrivain juif français d’Algérie qu’il construit toute son oeuvre, mélange de véracité et de fiction, depuis 1965, avec Les Bagnoulis, considéré comme un des tout premiers récits à regarder en face la guerre d’Algérie. Il obtient le prix de l’Afrique méditerranéenne en 1977 pour Frimaldjezar, qui se veut reconstruction fantasmée de sa ville natale et conjuration de l’exil. Albert Bensoussan, qui a publié une trentaine de fictions (La Bréhaigne, L’Echelle de Mesrod, L’OEil de la sultane, Le Chemin des Aqueducs, Pour une poignée de dattes, Aldjezar, Mes Algériennes…), est le conteur de sa ville, Alger, et de la vie juive qui fut celle de sa famille jusqu’à l’indépendance. Chacun de ses livres est un parcours nostalgique, sans fin, des rues de la ville, et se veut la reconstitution d’une topographie bousculée par cette Histoire qui les ont bouleversés, lui, toute sa famille et des milliers de personnes de cette génération. Ses personnages sont les êtres familiers qu’il a côtoyés, qu’il fait revivre en les mettant en scène, les immortalisant, et dont il parle souvent avec humour, drôlerie, et toujours avec émotion : « Je me suis dépouillé de mon enfance par lambeaux successifs que j’ai appelés livres. Chaque livre publié était livre de ma chair arrachée, de ma mémoire abolie. » Mais le trait majeur de sa démarche littéraire est l’amour de la langue, avec le recours à un vocabulaire inédit, ainsi qu’en atteste le titre, parfois déroutant, de ses ouvrages, soit qu’il plonge dans le quotidien qu’il transfigure par le style, soit qu’il invente un étrange parler mêlant le français et l’arabe, l’hébreu et le pataouète, qui dit mieux que tous les discours ce que furent l’exil, la perte des repères, la trahison des mots et la faillite de la langue, mais avec toujours, à l’arrivée, le désir de recréer la vie d’une communauté qui a existé et qui n’est plus.