Extrait Giuseppe CONTE Le roi Arthur et le sans-logis

Giuseppe CONTE
Le roi Arthur et le sans-logis
traduit de l’italien par Jean-Yves Masson
ISBN 2-903945-64-0
1995
20 €


Acte II

(Riccardo Kraft est assis sur le fauteuil en face du gros poste de télévision, face à l’écran que les spectateurs ne peuvent pas voir ; il a remis son pantalon, mais il a enlevé son noeud papillon, et sa chemise de soie blanche est maintenant ouverte sur son cou ; il a les cheveux en désordre, porte sur son visage les marques de la souffrance et de la fatigue. Elena est accroupie sur le sol à côté du fauteuil. Chris est debout, un caméscope posé sur l’épaule, il est en train de filmer son père. Joseph se tient à peine un peu à l’écart, tenant la lance d’une main et différentes feuilles de l’autre ; il garde les yeux tournés vers la caméra.)

JOSEPH. — Non ! Comme ça, ça ne va pas. Le ton de ta voix doit être plus sec, il faut que ce soit tranchant, que cela réveille, mieux qu’une allumette qu’on leur mettrait sous le menton

CHRIS. — Le cadrage est bon ?

JOSEPH. — Oui, continue avec le visage et cette partie du buste, seulement celle-là. Recommençons.

RICCARDO. — Bonjour, chers amis, vous me connaissez tous, je suis le Roi Arthur et je suis prisonnier d’un homme qui veut que je vous lise un message de lui...

JOSEPH, hurlant. — Non ! Non ! Tu ne joues pas, là, tu n’as plus à faire tes pitreries ; on doit comprendre tout de suite que tu es prisonnier, que tu risques ta vie, que te faire entendre est le seul moyen que tu as de sauver ta peau.

ELENA, à Riccardo. — Ta blessure te fait mal ?

RICARDO. — Elle m’a fait mal après que tu as enlevé les bandages.

JOSEPH. — Alors, tu as compris ?

RICCARDO. — J’ai compris, mais c’est inutile, complètement inutile.

JOSEPH. — Quoi ?

RICCARDO. — Tout ça. Tout.

JOSEPH. — C’est encore moi qui décide ce qui est utile ou inutile, de ce qu’on doit faire ou non. Tu enregistreras ce message. (Il lève la main dans laquelle il tient les feuilles.) Tu n’as pas le choix.

RICCARDO. — Mais je ne sais même pas de quoi il parle. C’est quoi ? Qu’est-ce que tu veux que...

JOSEPH. — Tu le sauras feuille après feuille. Pense d’abord à bien commencer. Tu dois bouleverser les spectateurs, ils doivent comprendre tout d’un coup que ce qu’ils voient est vrai, ensuite tu dois les captiver, qu’ils restent là sans pouvoir bouger, qu’ils n’en perdent pas un mot.

traduit de l’italien par Jean-Yves Masson

Atto secondo

(Riccardo Kraft è seduto sulla poltrona di faccia al grosso apparecchio televisivo, al suo schermo che è fuori dalla portata degli sguardi degli spettatori ; si è rimesso i pantaloni, ma ha tolto la farfalla e ora la camicia bianca di seta è aperta sul collo ; i capelli sono in disordine, sul volto i segni della sofferenza e della fatica. Elena è accoccolata sul pavimento vicino alla poltrona. Chris è in piedi con una telecamera poggiata sulla spalla, sta inquadrando suo padre. Joseph è appena più in là, il giavellotto in una mano e diversi fogli nell’altra ; sta tendendo lo sguardo verso lo schermo)

JOSEPH. — No ! Così non va bene. Deve essere più secco il tuo tono di voce, deve tagliare, svegliare più che un cerino acceso sotto il mento.

CHRIS. — L’inquadratura va bene ?

JOSEPH. — Sì, continua con il volto, e quella parte del busto, soltanto quella. Rifacciamo.

RICCARDO. — Buon giorno, amici, mi conoscete tutti, sono Re Artù, e sono prigioniero di un uomo che vuole che vi legga un suo messaggio...

JOSEPH, urlando. — No ! No ! Qui non giochi, qui non fai più le tue pagliacciate ; si deve capire subito, sei prigioniero, rischi la vita, farti ascoltare è l’unico modo che hai per salvarti.

ELENA, a Riccardo. — Ti fa male la ferita ?

RICCARDO. — Mi ha fatto male dopo che hai cambiato le bende.

JOSEPH. — Allora, hai capito ?

RICCARDO. — Ho capito, ma è inutile, completamente inutile.

JOSEPH. — Cosa ?

RICCARDO. — Tutto questo. Tutto.

JOSEPH. — Sono ancora io che decido cosa è utile o inutile, che cosa si deve fare o non fare. Tu registrerai questo messaggio (alza la mano in cui tiene dei fogli). Non hai alternative.

RICCARDO. — Se non so neppure di che cosa si tratta. Cos’è ? Cosa vuoi che...

JOSEPH. — Lo saprai foglio per foglio. Tu pensa a cominciare bene. Devi sconvolgere gli spettatori, devono capire di colpo che è vero quello che vedono, poi catturarli, bloccarli lì, che non perdano una parola.