Extrait Orlando Sierra HERNANDEZ
Orlando Sierra HERNANDEZ
La gare des rêves
Préface de Patrick Deville
traduit de l’espagnol (Colombie) par Françoise Garnier
ISBN 978-2-911686-45-0
2007
20 €
Je ne veux pas laisser à Saint-Nazaire le souvenir d’une canaille. Je sais que je pourrais me taire. Il suffirait de bazarder ces aveux concernant ma responsabilité dans la mort de Gérard que je n’ai connu qu’en rêve et dont la véritable existence ne m’a été révélée qu’après sa mort. Seule ma conscience m’oblige à me faire connaître. Finalement cet ancien héros de la Seconde Guerre mondiale est mort de mort naturelle. Cependant, je me sens responsable de ce qui lui est arrivé tout comme de la tragédie de la gare des rêves de cette ville bretonne.
Je me suis engagé auprès de la Maison des Écrivains Étrangers et des Traducteurs de Saint-Nazaire (meet) à produire une œuvre qui sera publiée dans la collection bilingue des écrivains invités. Laisser une vingtaine de poèmes, les uns composés sur place, d’autres dans mon pays serait la façon la plus simple de tenir mes engagements et au passage une astuce pour me dispenser d’écrire ces pages que je crois devoir laisser aux habitants de la ville et en général à tous ceux qui désirent connaître l’histoire de mon infamie, si tant est que j’aspire à un peu de compréhension et à quelque réconfort pour soulager ma conscience.
Tout d’abord je dirai que je suis un hôte atypique de la Maison des Écrivains Étrangers. Certes je suis écrivain. J’ai publié quelques livres de poèmes qui ont bien marché. Trois plus précisément pour être sincère. Sauf que le premier est d’une médiocrité épouvantable et que je m’efforce toujours de l’effacer de ma mémoire, d’en nier la paternité. Par ailleurs, j’ai écrit quelques romans inédits et je suis un chroniqueur reconnu dans mon milieu.
traduit de l’espagnol (Colombie) par Françoise Garnier
No quiero que me recuerden en Saint-Nazaire como a un canalla. Sé que podría guardar silencio. Bastaría con echar en saco roto esta confesión sobre mi responsabilidad en la muerte de Gérard, a quien no conocí más que en sueños y de cuya vida real vine a saber sólo después de su muerte. Nada me obliga a ponerme en evidencia salvo mi conciencia. Al fin de cuentas el anciano héroe de la Segunda Guerra Mundial, murió de muerte natural. Sin embargo, me siento responsable de lo que le sucedió, como también de la tragedia de la estación de los sueños de esta ciudad de la Bretaña francesa.
Mi compromiso con la Maison des Écrivains Étrangers et des Traducteurs (meet) de Saint-Nazaire es la de producir una obra para la edición bilingüe de su colección de becarios. Entregar una veintena de poemas, algunos compuestos en la ciudad, otros traídos desde mi patria, sería el modo más sencillo de cumplir y de paso el atajo propio para eludir la escritura de estas páginas que siento debo dejar a sus habitantes y en general a cuantos quieran conocer la historia de mi vergüenza, si es que aspiro a un poco de comprensión y algo de alivio para mi remordimiento.
Para empezar, diré que soy un becario atípico de la Maison des Écrivains Étrangers. Soy escritor, por supuesto. He publicado un par de libros de versos que no han ido mal. Mejor dicho son tres si he de ser sincero. Sólo que el primero es un espantajo por su mediocridad y trato siempre de borrarlo de la memoria de mis actos, de negar su paternidad. Por lo demás, tengo algunas novelas inéditas y soy un columnista de prensa con algún ascendiente en mi comunidad.