Extrait Reinaldo ARENAS
Reinaldo ARENAS
Méditations de Saint-Nazaire
traduit de l’espagnol (Cuba) par Liliane Hasson
ISBN 978-2-903945-54-1
2009
10 €
I
SOUS-DÉVELOPPEMENT ET EXOTISME
Apparemment, l’acte d’écriture en Amérique latine se produit plus ou moins consciemment sous l’effet d une double malédiction, le sous-développement et l’exotisme. Nous ne sommes pas européens, mais nous avons été « découverts » (mis sur la carte de l’Occident) par les Européens. Très longtemps, l’Amérique latine fut pour l’Europe cette contrée magique et sauvage où l’on pouvait encore admirer des animaux mythologiques, des paysages éblouissants, des fontaines de jouvence, des hommes qui marchaient la tête sous le bras (une preuve de plus qu’ils ne s’en servaient pas), et se protégeaient du soleil avec un pied gigantesque qu’ils soulevaient et déployaient à la façon d’une ombrelle ou d’un imperméable.
L’Europe est venue parfaire en Amérique (spécialement en Amérique latine) ce qui était devenu impossible là-bas en raison des progrès de la civilisation : la tradition médiévale, le caudillisme féodal, la vision magique, aussi obscurantiste que fascinante de la réalité. Les héros et même le langage des romans de chevalerie se sont réincarnés chez les conquistadores espagnols et portugais, et surtout chez leurs chroniqueurs, plus savants, qui régnaient sur la rhétorique de leur temps, c’est-à-dire qu’ils imitaient l’auteur d’Amadis de Gaule ou de Tirant Lo Blanc.
Traduit de l’espagnol (Cuba) par Liliane Hasson
I
SUBDESARROLLO Y EXOTISMO
Al parecer, escribir en América Latina es un acto que, consciente o inconscientemente, se realiza bajo una doble maldición, el subdesarrollo y el exotismo. No somos europeos pero fuimos “descubiertos” (puestos en el mapa de Occidente) por los, europeos. Por muchos años, América Latina fue para Europa, ese lugar encantado y salvaje, poblado aún por animales mitológicos, paisajes deslumbrantes, fuentes de la juventud, hombres que caminaban con la cabeza bajo el brazo (lo cual quiere decir entre otras cosas que no la usaban) y que se protegían del sol con un pie gigantesco que alzaban y extendían a manera de sombrilla o impermeable.
Europa vino a continuar en América (especialmente en América Latina) lo que allá, por el avance de la civilización, era ya imposible : la tradición medieval, el caudillismo feudal, la visión mágica, oscurantista y a la vez fascinante de la realidad. Los personajes y hasta el lenguaje de las novelas de caballería encarnaron un los conquistadores españoles y portugueses. Sobre todo en sus cronistas quienes. como hombres más cultos, dominaban la retórica de la época, es decir, imitaban al autor del Amadís de Gaula o del Tirant Lo Blanc.