Nice to meet you
Nice To Meet You / Patrick Deville Directeur littéraire de la meet
En la même seconde, à volonté, le portugais devenait ukrainien, le suédois macédonien, et cela indéfiniment, selon tous mes plaisirs.
Armand Robin
Les lecteurs francophones sont des lecteurs accueillants, et curieux du monde, moins polyglottes cependant, pour la plupart, que le génial Armand Robin. C’est grâce à eux que les éditeurs, bon an mal an, publient ici un livre sur deux en traduction. La littérature de langue française, de son côté, et depuis des siècles, s’est enrichie des œuvres lointaines tout comme elle les a enrichies. Il est aisé d’imaginer l’intérêt que suscite un peu partout sur le globe une invitation à venir écrire en France.
Certains écrivains préfèrent profiter ici d’une solitude absolue, gardiens de phare au sommet du Building, à la verticale des navires et de la beauté fascinante du paysage portuaire de l’Atlantique. La possibilité est offerte aux autres de rencontrer, ici ou à Paris, ou ailleurs en France, des lecteurs, des écrivains et des critiques, et à tous est donnée celle de publier, souvent pour la première fois, une œuvre en traduction française.
Une dizaine d’années avant son Nobel, la Maison des Écrivains Étrangers et des Traducteurs permettait ainsi à Gao Xingjian d’écrire ici son théâtre, et publiait en version bilingue sa pièce Dialoguer/Interloquer. Après avoir découvert le premier chapitre de son roman, Une matinée perdue, dans le numéro 6 de la revue meet, New-Delhi/Bucarest, les éditions Gallimard décidaient de publier Gabriela Adamesteanu. Depuis vingt ans, ce lieu de découverte, riche aujourd’hui de centaines de textes, poursuit son entreprise maritime et cosmopolite : offrir un havre le temps d’une escale loin du tumulte, et rassembler les messages à la mer de ce vaste réseau des écrivains penchés sur leur table à cartes et cherchant leurs amures, se croisant et se succédant en quelque port privilégié du globe.
Readers of the French language are welcoming and curious about the world, though probably less of a polyglot than the inspirational Armand Robin. It is thanks to them that, year in year out, French editors publish half of their output as translations. For centuries, French literature has availed itself of writings from far afield as it has enriched them. So it is no suprise that an invitation to come and write in France should provoke interest worldwide.
Some writers seek total solitude here, like lighthouse keepers on the top of the building, looking straight down over the ships and the amazing beauty of the Atlantic harbour landscape. Others appreciate the possibility of meeting readers, writers or critics here, in Paris, or elsewhere in France. And all of them are offered the opportunity of publishing, often for the first time, a piece of their work translated into French.
Ten years before his Nobel Prize, the M.E.E.T. afforded Gao Xingjian an opportunity to write his plays here and to publish a bilingual edition of his work "Dialoguer/Interloquer". After discovering the first chapter of her novel A lost morning in the sixth issue of the review "meet", Gallimard decided to publish works by Gabriela Adamasteanu. For twenty years, this place of discoveries, with some hundred works in its collection, has been carrying on its own maritime and cosmopolitan enterprise : to offer a haven, an oasis of calm far from any hustle and bustle, and gather the messages sent out to the sea by this wide network of writers bent over their chart table, looking for the best routes into some privileged harbour in the world.
"I am now in France, in Saint-Nazaire", wrote the Cuban writer Reinaldo Arenas. "I would just want to plead to this glorious sky, to this ocean, that I have the opportunity to contemplate a few more days in order to shelter my terror."
Patrick Deville