Extrait du recueil Traduire la vie

Kim Un-su
À l’âge de quarante ans

Un jour, à trente-neuf ans, j’ai senti la paralysie me gagner petit à petit. Cela a commencé par l’engourdissement de l’annulaire et du petit doigt, parfois parcourus de spasmes. La léthargie s’est bientôt étendue aux bras et aux jambes, puis au dos et même au visage. Au bout de quelques mois, j’avais les doigts tellement ankylosés que j’avais du mal à boutonner ma chemise ou même à appuyer sur la touche « shift » de mon ordinateur. J’avais tendance à perdre l’équilibre, il m’arrivait de tomber sur la route, de rouler dans l’escalier. Un soir que je buvais avec des amis, on a dû me ramener d’urgence, inerte, à la maison. J’avais l’impression qu’un phénomène de lignification était en cours, comme ce qui arrive au héros de mon roman Le placard1, qui voit une branche de ginkgo pousser à l’extrémité de son petit doigt.
Ce mal résulte de l’ossification du ligament longitudinal postérieur ; il a pour symptômes la calcification du ligament des vertèbres cervicales et le syndrome bulbaire. Sa prévalence est particulièrement élevée chez les Asiatiques, en particulier chez les Coréens et les Japonais : sa nature génétique ou ethnique est en cours d’étude, sans qu’on soit parvenu, pour le moment, à en identifier les causes. En résumé, des parties de mon corps se pétrifiaient, devenaient aussi dures que de la pierre ou du bois. Dans un conte, comme celui de Pinocchio, cela aurait été amusant, mais dans le monde réel c’était quelque chose de fort handicapant.
On m’a opéré cet été-là. Vingt jours avant mon quarantième anniversaire. Il s’agissait d’extraire un ligament ossifié et une vertèbre qui compressaient les nerfs dans le cou. Le médecin m’avait avoué que les nerfs étaient déjà très altérés, qu’il s’agissait d’une opération compliquée et risquée, et que, même si l’opération réussissait, il était probable que je n’échapperais pas à une paralysie partielle. L’opération elle-même n’avait été rendue possible, en 2007, que grâce aux progrès des techniques opératoires de la colonne vertébrale et au perfectionnement des instruments chirurgicaux. Si cela m’était arrivé avant 2007, j’aurais été condamné à rester tétraplégique ou à passer de vie à trépas.
Après l’intervention chirurgicale, j’ai dû passer six mois allongé sans pouvoir rien faire. Après qu’on m’eut remplacé une vertèbre du cou par une prothèse synthétique, j’avais la tête qui pendait comme celle de l’épouvantail squelettique du film de Tim Burton L’étrange Noël de Monsieur Jack. Dès que je m’inclinais d’un côté, cela me faisait mal au cou, j’avais l’impression d’avoir une énorme jarre pesant sur ma tête.
Cet été-là était particulièrement torride. Je l’ai passé le cou prisonnier d’une minerve, la tête posée sur un oreiller très coûteux, confectionné spécialement pour les patients souffrant des vertèbres cervicales, que ma femme avait acheté pour moi. L’opération avait réussi, mais je ressentais encore une raideur dans quatre doigts, dans les pieds, en gros dans les extrémités. J’avais du mal à retrouver mon équilibre pondéral et une température à peu près stable, et j’éprouvais des choses affreuses : des frissons dans un bras et une impression de chaleur dans l’autre. Dehors les cigales chantaient à me rendre fou. J’ai passé tout l’été de cette année-là à dormir seize heures par jour ou à fixer le papier peint du plafond. Je l’ai tellement regardé, ce papier peint, que, fermant les yeux, je me sentais capable de reproduire de mémoire tous ses motifs miniatures. Je pensais à tout ce que je ne pourrais plus faire : je n’allais plus pouvoir jouer au foot (un seul coup de tête dans le ballon ferait instantanément de moi un tétraplégique), ni grimper dans les rochers (je n’avais plus de force dans les doigts), ni passer sur une passerelle de rondins (je n’avais plus le sens de l’équilibre). Je me fatiguais vite, je ne pouvais pas écrire comme avant pendant des heures d’affilée, ni lire couché sur le ventre. Il y avait des centaines de choses que je n’allais plus pouvoir faire. Peut-être des milliers de choses. Je passais mon temps à énumérer celles que je pouvais encore faire et celles que je ne pouvais plus faire, ou à fixer vainement le plafond, ou à dormir toute la journée comme un chat. Depuis mon adolescence, je n’avais jamais passé autant de temps à dormir et à ne rien faire. Cet été-là, l’acacia planté dans un coin de mon jardin avait certainement été plus actif que moi.

1. Ginkgo éditeur, Paris, 2013.

Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet.

김언수

사십 세

서른아홉 살이 되었을 때 갑자기 몸에 마비가 오기 시작했다. 처음엔 약지와 새끼손가락이 뻣뻣하게 굳거나 작은 경련이 나는 정도였다. 하지만 이 마비는 이내 팔과 다리로, 등과 안면으로 퍼져나갔다. 몇 달이 지나지 않아 나는 손가락이 어눌해져서 단추를 잠그기 힘들어졌고 심지어 키보드의 시프트키를 누를 수도 없었다. 균형감이 없어서 길을 걷다가 넘어지거나 가파른 계단을 내려오다가 구르기도 했다. 술을 마시다가 몸이 마비되어 응급실까지 구급차에 실려 간 적도 있었다. 마치 내가 썼던 소설 <캐비닛>에 나오는 ‘어느 날 새끼손가락에서 은행나무가 자라기 시작한 문방구 사내’처럼 온 몸에서 목질화가 진행되는 기분이었다.
실제로 후종인대 골화증이라는 이 특이한 병은 목 뒤에 있는 인대가 석화되어 뼈처럼 딱딱해지거나 날카롭게 자라나서 중추신경을 압박하는 병이었다. 한국과 일본 같은 동양인에게서만 발병하고 유전적, 인종적 경향이 강하다는 것 외에 아직 이 병의 발병 원인에 대해서는 정확히 알지 못한다. 그러니까 간단하게 말하자면 내 몸 어딘가에서 자꾸 돌이 만들어지고 그래서 덩달아 내 몸도 돌이나 나무처럼 뻣뻣하게 굳어간다는 건데, 글쎄 피노키오가 나오는 동화의 세계라면 근사하고 재미있는 이야기가 될 수도 있겠지만 리얼리즘의 세계에선 실로 곤혹스러운 일이 아닐 수 없었다.
그해 여름 나는 수술을 했다. 마흔 살 생일을 20일 쯤 남겨둔 날이었다. 목뒤에서 중추신경을 압박하고 있는 석화된 인대와 척추 하나를 제거하는 수술이었다. 담당 의사는 이미 신경 손상이 많이 진행됐고, 아주 위험하고 복잡한 수술이어서 성공적으로 끝난다 해도 부분적인 마비는 피할 수 없을 거라고 말했다. 그나마 2007년 이후 비약적으로 발전한 척추 신경외과의 기술과 의료 장비 덕택으로 가능해진 수술이었다. 2007년 전이었다면 나는 아마 전신마비가 되거나 죽었을 것이다.
수술 후 나는 6개월이나 꼼짝없이 누워 있어야 했다. 목과 몸통을 연결하는 척추 하나를 제거하고 인공뼈로 접착을 했기 때문에 내 머리는 마치 팀 버튼의 영화 <크리스마스의 악몽>에 나오는 해골 인형처럼 힘없이 덜컹거렸다. 몸이 조금이라도 기울어져서 중심을 잃으면 목이 끊어질 듯 아팠기 때문에 나는 늘 머리 위에 큰 물 항아리를 이고 있는 기분으로 살아야했다.

Lyonel Trouillot
L’écriture comme traduction de la vie
Mal vivre et bien traduire

Je conte souvent cette anecdote. À la lecture de mon roman Rue-des-pas-perdus, concentré en une nuit de l’histoire des violences politiques haïtiennes sur fond de misère et d’injustices sociales, une bonne bourgeoise de Port-au-Prince me gronde amicalement : « Mais comment faites-vous pour inventer de telles horreurs ? » Rappelé par sa question à l’ordre du réel, je me souviens soudain que l’entreprise ayant fait la fortune de la famille de la dame en question se situe au bas de la ville, au cœur de la sale vie, avec vue sur misère, cocon d’import-export protégé par des agents de sécurité et entouré de nids de violence. « Pardon, madame, comment faites-vous pour vivre de/dans ces horreurs sans les voir ? »
Je reviens souvent à cette anecdote parce qu’elle est pour moi édifiante. Le reproche était clair, classique, et exprimant ce qu’on pourrait appeler son origine de classe. Disposant selon la dame du pouvoir d’inventer, j’aurais pu (ou plutôt j’aurais dû) partir de la flore et des plages, inventer des histoires d’amour à l’eau de rose dans des cadres idylliques, des bonheurs sans pareils dans des mondes merveilleux. Pourquoi choisir l’horreur ? C’est le propre des bourgeoises de se prendre pour Alice, quand, toutes affaires conclues et leurs commerces florissants, elles confessent, candides, leurs besoins de divertissements – mettez-y des lectures – qui exaltent uniquement les bons côtés de la vie. La bonne dame m’en voulait, j’avais troublé sa paix. L’homme étant responsable de ce qu’il invente, elle me jugeait impardonnable d’avoir choisi le morbide, le crime. De ne pas l’avoir aidée à sortir de ce monde tel qu’il est dont elle tire profit en regardant ailleurs. L’injure était précise, propre sur elle et sans appel : on ne crée pas de telles horreurs. Terrible, mais flatteuse. Inventeur d’horreurs… Inventeur quand même. Vu que, selon la dame, tout était né de moi. Les exactions des militaires et autres groupes armés. L’exploitation sauvage. Les dérives totalitaires en réponse aux mécanismes d’exclusion et d’exploitation reproduits par une société souffrant d’un déficit de citoyenneté. Les préjugés sociaux qui font qu’on ne considère pas comme un être humain digne de respect celui qui vient de trop loin, de la campagne, des bidonvilles. Les mensonges de la politique quand elle ne sert qu’à placer « le chef » au-dessus de l’échelle sociale. Une organisation sociale qui donne tout à quelques-uns, ne donne rien aux autres et fait que chaque individu applique au quotidien la violence contenue dans les vers de Michaux : « en tonnes, vous m’entendez, en tonnes je vous arracherai ce que vous m’avez refusé en grammes ». Rien n’était vrai. J’avais tout inventé. Ce qui relevait du général et le détail de la violence. Les corps cassés des prostituées. Les balles perdues et les enfants des rues. L’économie. La politique. Tout. Merci madame. Dans ce monde du quant-à-moi rien n’est plus agréable que d’être pris pour un créateur. Créateur, dans mon cas, de monstruosités. Pourtant, comme le chante un autre poète, je ne pense pas avoir mérité « ni cet excès d’honneur ni cette indignité ». En pensant à ce livre, j’avais le sentiment de n’avoir rien créé. J’avais longé le canal dit des Orphelins où un personnage se réfugie pour échapper aux balles. J’avais regardé la boue couler sous mes pieds. J’avais perdu des amis que la dictature avait assassinés. J’avais été témoin ou acteur de promesses d’amour ayant mal tourné : Comment aimer quand on tire dehors ? Comment s’aimer, faire une entité de deux « je t’aime » quand l’un ne pense qu’à fuir et l’autre à faire face, lutter, comprendre ? J’avais entendu mille témoignages de victimes d’exactions. Écouté le poème triste des jeunes filles vendant leurs corps ou le temps de leurs corps dans les bordels du bas de la ville. J’avais été habité par cette image d’une moitié d’homme collée à un corps de porc, pour qu’ils ne fassent qu’un seul cadavre, une bête humaine que j’avais vue un matin dans une rue de Port-au-Prince. J’avais bien vu un homme, dans une autre rue, allumer sa cigarette à un corps qui brûlait. Il m’avait même offert de partager son feu. Tout ce que j’avais mis dans ce livre, je n’avais fait justement que le mettre, le placer. « Quand j’emprunte des paradoxes, je les rends ». Pour parodier Ferré, je n’avais fait que rendre des faits, des mots, des situations dont la laideur ou la cruauté m’avaient interpellé. En leur accordant le temps nécessaire pour les recueillir, et en m’accordant le temps nécessaire pour les traduire dans une langue qui me les rendait à moi plus intelligibles et insupportables et que je pourrais partager avec un lecteur.

Pyun Hye-young
Traduire la vie… des autres

J’aimerais commencer en évoquant un épisode de ma vie d’étudiante. Pendant une courte période, j’ai eu un petit job. C’était à la fin de ma dernière année de lycée, il y a donc vingt ans de cela. La situation socio-économique à l’époque était très différente de celle d’aujourd’hui. Il en va de même des recensements démographiques qui se pratiquaient de façon tout autre que ce qui se fait aujourd’hui.
Cette année-là, l’Agence nationale des statistiques avait entrepris de procéder à un recensement de la population. Les statistiques en ligne n’existant pas encore, il fallait que des enquêteurs se rendent dans chaque foyer pour collecter les données. Les résultats étaient regroupés par arrondissement. Les mairies recrutaient alors des auxiliaires pour effectuer le codage OMR des informations recueillies afin d’en permettre le traitement informatique. Parmi les personnels recrutés, il y avait beaucoup de lycéens oisifs, qui attendaient la cérémonie de fin d’études secondaires.
Je me rendais tous les jours, avec mes semblables, au sous-sol de la mairie de mon arrondissement pour participer à ce travail. Ces locaux devaient servir, ordinairement, de salles de réunion ou de formation. Le premier jour, un fonctionnaire était descendu nous ouvrir la porte en traînant ses slippers sur le carrelage. Ce qui m’avait d’abord sauté aux yeux, c’étaient les tables métalliques grises. Aussi grandes que des tables de ping-pong, elles luisaient, usées comme de vieux costumes. Dépourvues de tout graffiti, les angles protégés par une garniture de caoutchouc, maintenues en bon état, elles avaient dû être l’objet d’une attention particulière.
Sur les tables étaient empilées plusieurs dizaines de boîtes jaunes contenant les fiches établies par les agents qui avaient procédé au recensement. Le fonctionnaire circulait entre les tables pour nous distribuer en grande quantité des stylos-feutres destinés au marquage.
Nous étions en moyenne huit étudiants devant chaque table. Certains venaient du même lycée que moi, d’autres d’une école voisine. Nous espérions tous tomber sur des boîtes contenant les données collectées dans le complexe d’appartements où nous habitions. Là où nous vivions se côtoyaient de grands complexes d’appartements récemment construits, des quartiers pavillonnaires plus anciens et de petits immeubles vétustes visés par un projet de réaménagement. Les documents provenant du complexe d’appartements modernes seraient certainement plus simples à traiter. C’était du moins ce que tout le monde pensait. Manque de chance, à ma table avaient été attribués les cartons provenant d’un quartier d’immeubles densément peuplés. L’une d’entre nous, après un soupir, a chuchoté : « C’est un quartier pauvre, ça va être compliqué ! » Personne n’a ri. J’ai fait semblant de ne pas entendre. Les données concernant ma famille pouvaient se trouver là, ou encore le foyer de ma sœur aînée qui était mariée, ou quelque proche parent. Parmi eux, certains avaient connu la misère, ou se démenaient encore dans un relatif dénuement. Car il n’était pas facile de s’arracher à ce genre de situation. Même celle qui avait voulu faire de l’esprit s’est empressée d’effacer son sourire. Nous qui étions les enfants de foyers modestes, nous n’allions pas faire semblant de ne pas le savoir.
Dans les formulaires, il y avait, bien sûr, des questions sur la composition de la famille, le nombre de ses membres, leur âge, leur niveau d’éducation. Une rubrique portait sur le logement : étaient-ils propriétaires (valeur du bien immobilier), locataires (avec un loyer mensuel ou un pas de porte, de quel montant) ? Une autre rubrique portait sur les revenus mensuels. L’enquête, bien entendu, faisait l’inventaire du nombre de pièces, des toilettes, mais aussi de l’équipement électroménager : le foyer était-il équipé d’un réfrigérateur, d’une machine à laver, etc. ? Possédait-il aussi une voiture ? Pour ce qui concernait le téléviseur, la taille de l’écran en pouces était notée. Aujourd’hui, on ne demanderait pas ce genre d’information, mais à l’époque, la taille de l’écran de télévision et le volume du réfrigérateur étaient des indicateurs de la richesse du ménage. Tout le monde était plus ou moins logé à la même enseigne : on ne possédait pas beaucoup de biens.

Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet.

편혜영
삶을 번역하다
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아무래도 타인의 삶

오래 전 학교 시절에 짧은 기간 동안 했던 아르바이트 얘기로 이 글을 시작해 보려고 한다. 고등학교 졸업을 앞둔 무렵이었다. 따져보니 벌써 이십 여년 전의 일이다. 뭐로 보나 지금과는 경제적이고 사회적 사정이 달랐다. 말하자면 인구센서스 같은 것도 그랬다.
그 해에 전국적으로 통계청 주관의 인구센서스가 시행되었다. 전산으로 통계를 내는 시스템이 아직 개발되기 전이었던 모양인지, 조사원이 각 가정을 방문하여 대면조사를 통해 조사지를 작성했다. 그 조사지는 관청별로 통합되었다. 관청에서는 아르바이트생을 통해 조사지를 전산 처리가 가능하도록 OMR 카드에 기입했다. 나 같이 졸업을 앞두고 있어서 한가로운 학생들이 아르바이트생으로 모집되었다.
일은 구청 지하에 있는 사무실에서 하기로 했는데, 평소에는 회의장이나 교육장으로 사용되는 공간인 듯 했다. 담당 공무원이 슬리퍼 소리를 내며 계단을 내려와 사무실 문이 열어 주었을 때, 아르바이트를 하는 우리 눈에 제일 먼저 띤 것은 커다란 회색 철제 책상이었다. 아무런 장식이 없는 방에 띄엄띄엄 놓여 있는 커다란 회색 철제 책상들. 탁구대만큼이나 큰 그 책상은 입은 지 오래 된 양복처럼 반질반질 닳아 있었다. 책상 모서리를 회색 고무가 둥글게 감싸고 있었는데, 고무에는 흔히 보일 법한 낙서 자국 하나 없었다. 단정했으나 강박적으로 사용에 주의를 기울인 느낌이었다.
책상 주변 바닥에는 수십 개의 누런 상자가 있었다. 조사원이 대면 조사를 통해 받아온 서류뭉치가 들어 있는 상자였다. 담당 공무원이 책상 사이를 돌아다니며 아르바이트생들에게 사인펜을 나누어주었다. 컴퓨터 용지에 기표할 때 사용할 펜이었는데, 양이 제법 많았다.
한 책상에 8명 정도의 아르바이트생들이 둘러앉았다. 같은 학교에서 온 친구도 있고 이웃한 학교에서 온 친구도 있었다. 그러나 우리는 모두 한 마음으로 우리가 며칠간 함께 일할 이 책상에 아파트 단지를 조사한 상자가 배당되기를 바랐다. 우리가 사는 지역은 막 개발을 마친 대단위 아파트 지구와 개발 계획이 막 논의되고 있는 오래된 다세대가구와 단독주택 지구가 뒤섞여 있었다. 아파트가 있는 지역을 조사한 서류가 그 외 지구를 조사한 서류에 비해 내역이 깔끔하고 정리하기 쉬울 거라고 누구나 짐작할 수 있었다.