Extrait Song LIN

Song LIN
Fragments et chants d’adieu
traduit du chinois par Chantal Chen-Andro
ISBN 2-911686-38-1
2006
11 €

Qu’une place soit faite à celui qui approche
Yves Bonnefoy

La séduction venue de la sérénité des montagnes,
ces personnages dans le paysage,
nous ramènent aux Wei, aux Jin. Être assis, désœuvré,
pensant au vin, au travail des champs, à la poésie,
les regards lointains et la tristesse âcre de
l’horizon ne font plus qu’un.
Au-dessus du chant de l’oiseau, coulant entre les gorges,
du toit pointu d’un clocher de campagne,
du bois touché par le premier givre,
les cimes étranges d’une terre autre,
tel un paravent, se déroulent ; en haut, des herbes fanées
et la neige de l’hiver dernier.

Grimper, comme Kuafu peiner en vain
à la poursuite de la roue lancée des saisons,
avant le coucher du soleil, devoir
reprendre ce même chemin. L’arc-en-ciel
couleur de chair, ce dévoreur de nuage
et de lumière, entre au fond du verre à pied.
Les sons du luth dont joue l’ermite sur le lac
ont brisé l’oie sauvage en son retour. La vigne,
femme plante à la peau touchée par
le givre, ses larmes, qui accueillent-elles... ?

Ici, nul « enclos de l’est »,
si l’on séjourne c’est pour boire la soupe,
assis bien droit, ému, à la table des repas.
Allez raconte, pousse un long cri !
Comme tu t’éclaircis la voix,
le sable aussitôt t’interrompt.
Citer des poèmes en guise d’oracle ?
rencontrer l’âme sœur dans le désert,
pousser sa voiture dans la vallée au sol meuble,
vaguement revoir, gigantesque, cette
ancienne ville refuge.

traduit du chinois par Chantal Chen-Andro