Extrait Yam MONTAÑA

Yam MONTAÑA
Paysage avant l’aube
traduit de l’espagnol (Cuba) par Françoise Garnier
ISBN 2-911686-30-6
2004
13 €

Je lui dis : Money, money Komodo, finito baby, finito et je saute du lit, fuyant la femme que je suis et que je ne veux pas être. Et pour tout gâcher complètement, parce que je n’en peux plus, en mettant mes horribles chaussures style rétro, en enfilant une robe qui n’est pas à moi, je pense à Ariel. Oui Komodo, oui, les putains ont des sentiments, leur cœur pleure toute une vie. Mais toi, tu peux rien voir, ni t’imaginer que ces dollars que tu me donnes sont pour acheter une maison où Ariel me fera l’amour interminablement. Assurément, maintenant je me sens plus sale que jamais, plus pute et plus sale. Et je vois le visage d’Ariel sur celui bronzé et gras de Komodo qui se résigne à ne pas me baiser à nouveau et paie. Finito.
Ariel, Ariel, mon Ariel, tu n’es responsable de rien. Nous avons un contrat et je vais le respecter, il faut juste réunir tout l’argent et finito, le cauchemar est fini ; encore quelques dollars et finito. Je me dis qu’il faut que ça se termine et je cache l’argent bien en sécurité en moi. Bye-bye Komodo ou quel que soit ton bon dieu de nom. Et taca taca taca, je vais vers la porte et honteuse je me retrouve dans le couloir, la gorge sèche, l’âme tachée de baisers que j’oublie et que je n’oublie pas, bien sûr, dès que je tourne le dos à cette heure la plus dure de la nuit, quand le patron du bordel me donne une tape sur l’épaule, m’embrasse dans le cou et me dit : ramène-ça à ton mec. Et je ne lui ramène rien et je fais comme si, dans mon cou, il n’y avait pas de baiser. Et la rage me ronge comme un rat en colère qui trace avec sa bave paniquée un nom : Ariel. Cinq lettres qui me font saigner comme des épines qui fouillent dans mes entrailles.

traduit de l’espagnol (Cuba) par Françoise Garnier

La money, la money Komodo, le digo, finito baby, finito y salto de la cama huyendo de la mujer que soy y que no quiero ser. Y para acabar de joderlo todo, porque no aguanto más, al ponerme los zapatos feos onda retro, al meterme dentro de un vestido que no es mío, pienso en Ariel. Sí Komodo, sí, las putas tienen sentimientos, el corazón les llora toda una vida. Pero tú no puedes ver nada, ni imaginarte que estos dólares que me das son para comprar una casa donde Ariel me hará el amor interminablemente. Con razón, ahora, me siento más sucia que nunca, más puta y sucia. Y veo el rostro de Ariel en la cara bronceada y grasienta de Komodo que se resigna a no volverme a tener y paga. Finito.
Ariel, Ariel, mi Ariel, tú no tienes la culpa de nada. Tenemos un trato y lo voy a cumplir, sólo hay que completar el dinero y finito, la pesadilla acaba ; unos dólares más y finito. Esto tiene que acabar, me digo y oculto la plata en un lugar seguro de mi cuerpo. Bye-bye Komodo o como carajo te llames. Y taca taca taca, camino hacia la puerta y alcanzo el corredor avergonzada, con la garganta seca, con el alma manchada de besos que olvido y no olvido, claro, al dar la espalda en la hora más difícil de la noche, cuando el dueño del burdel me da unas palmaditas en el hombro, besa mi cuello y dice : llévale a tú macho. Y no le llevo nada y hago como que en mi cuello no hay otro beso. Y la rabia me muerde como una rata furiosa que deja la baba del miedo con nombre y todo : Ariel. Cinco letras que me desangran como espinas mientras se revuelcan en mis entrañas