Extrait Alan PAULS

Alan PAULS
Wasabi
traduit de l’espagnol (Argentine) par Lucien Ghariani
ISBN 2-903945-71-3
1995
19 €

I

D’après la doctoresse, l’homéopathie n’a rien à proposer pour effacer le kyste : tout au plus une pommade pour enrayer sa progression. De toute façon, dit-elle, il n’y a pas de souci à se faire ce n’est qu’une accumulation insignifiante de graisse, sans racine. Je l’interroge sur mes yeux. « Rien d’anormal », répond-elle : « je vous prescris la pommade ? » Je garde encore au menton cette impression de froid que m’a laissé le support noir sur lequel reposait ma tête pendant qu’elle examinait l’iris de mes yeux. Le droit d’abord, puis le gauche. Après une courte pause intermédiaire. « Vous croyez que c’est nécessaire ? », demandé-je. (Le kyste n’avait pas enflé sa texture, par contre, avait commencé à subir des altérations. Auparavant, il était doux, un simple monticule à la base de la nuque ; maintenant, depuis quelques jours, il était devenu un peu rêche : la peau semblait avoir pris la rugosité de l’écaille.) « Comme vous voudrez », dit la doctoresse. Nous gardons un moment le silence, comme si nous ne savions ni l’un ni l’autre lequel devait prendre la parole. « Je veux qu’il disparaisse », insisté-je. « Alors, il vous faudra passer par la chirurgie », dit-elle en retournant son ordonnancier. « Une opération ? Ici, à Saint-Nazaire ? Je ne suis pas venu pour ça. » « Depuis quand vivez-vous avec cette protubérance au dos ? » « Je ne sais pas », dis-je. J’essaie de me souvenir. « Deux ans, je crois. » « Combien de temps comptez-vous rester ici ? », me demande-t-elle. « Deux mois. » « Si vous avez tenu deux ans comme ça, vous tiendrez bien deux mois de plus. Faites-vous opérer à Buenos Aires. »

traduit de l’espagnol (Argentine) par Lucien Ghariani

I

Según la médica, la homeopatía no tiene nada para borrar el quiste ; a lo sumo una pomada para impedir que crezca. De todos modos, dice, no tengo por qué preocuparme : es sólo una acumulación insignificante de grasa, sin raíz. Le pregunto qué dicen los ojos. « Lo normal », contesta ella : « ¿quiere que le prescriba la pomada ? » Todavía me dura en el mentón la impresión de frío que me dejó el soporte negro en el que lo mantuve apoyado mientras ella me examinaba el iris de los ojos. Primero el derecho, luego el izquierdo —con un corto intervalo en el medio para que descansara. « ¿Le parece necesario ? », digo. (El quiste no había crecido ; su textura, en cambio, había empezado a sufrir alteraciones. Antes era suave, una simple lomita sobre la piel de la base de la nuca ; ahora, desde hacía unos días, se había vuelto un poco áspero : la piel parecía haber adquirido una rugosidad de escama.) « Como usted quiera », dice la médica. Por un momento nos quedamos en silencio, como si ninguno de los dos supiera a quién le toca el turno de hablar. « Quiero que desaparezca », insisto. « Entonces tendrá que pasar por cirugía », dice ella poniendo boca abajo el recetario. « ¿Operarme ? ¿Acá, en Saint-Nazaire ? No vine para eso ». « ¿Cuánto hace que vive con ese bulto en la espalda ? » « No sé », digo. Trato de hacer memoria. « Dos años, me parece ». « ¿Cuánto tiempo va a pasar aquí ? », me pregunta. « Dos meses ». « Si vivió dos años con eso podrá vivir dos años y dos meses. Opérese en Buenos Aires ».