Extrait Andjelko VULETIC

Andjelko VULETIC
Sarajevo et le soleil se couche
traduit du croate par Harita Wybrands
ISBN 2-903945-59-4
1998
16 €

ANNO DOMINI ET ANNO DIABOLI

La scène que je devrais peindre
le poème qu’il me faudrait écrire (si je savais
le faire) devrait être comme ceci :

Au fond (du tableau, du vers) un coucher de soleil ;
une lumière rouge inonde tout le paysage ;
il n’est pas nécessaire qu’une toile soit le support où tout cela
se passe – cela peut être un arbre torve
une clôture en fil de fer, un couteau,
une matraque, un camp,
un drapeau noir, peut-être même une croix, mais pas en bois - plutôt
en acier pour tanks ;
la figure humaine comme un carrefour, désert,
sans véhicules,
sans piétons ; cinq directions ou peut-être plus :
pas un seul
poteau indicateur en vue,
autour, des troncs coupés, des réverbères cassés ;
on ignore (car elle ne peut parler) ce que veut
la tête qui ruisselle de sang ;
indistincts sont aussi les soubresauts des mains
d’où s’échappe le monde
et toute étreinte possible ; entre les côtes
étincelle la lame ; le nom : homo hominis
et tout cela observé par un passant, peut-être ;
un gardien, peut-être ; c’est-à-dire de nouveau un homo hominis,
il marche alentour, ricane, et par moments, [doucement,
chantonne.

La date :
Anno Domini et anno diaboli mille neuf cents
et peu importe laquelle.

traduit du croate par Harita Wybrands

ANNO DOMINI ET ANNO DIABOLI

Prizor koji bih morao naslikati,
pjesma koju bi trebalo napisati (kada bih to
ja znao) morala bi izgledati ovako :

U dubini (slike, stiha) zalazak sunca ;
crvena svjetlost oblijeva cijeli krajolik ;
ne mora platno biti podloga na kojoj se sve to
zbiva - može krivo drvo, ograda od žice, nož,
kundak, logor,
crna zastava, može cak i križ, ali
ne od drveta - nego
od celika za tenkove ;
ljudska prilika kao raskršce, pusto,
bez vozila,
bez pješaka ; pet, a može i više pravaca ; nema nikak-
vog vidljivog
putokaza ;
okolo posjecena stabla, polomljeni stupovi
za svjetiljke ;
ne zna se (jer ne može da progovori) što hoce
glava kojom lipti krv ;
nerazgovjetni su i trzaji ruku
kojima izmice svijet,
i svaki moguci zagrljaj ; izmedu rebara
sijeva sjecivo ;
ime : homo hominis ;
a sve to promatra jedan - reklo bi se : prolaznik,
reklo bi se : stražar, to jest opet : homo hominis,
hoda naokolo, cereka se, i, povremeno, tiho
pjevuši.

Datum :
Anno domini et anno diaboli tisucu devetsto
i sad svejedno koje.
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