Extrait Josef WINKLER

Josef WINKLER
Shmashana
traduit de l’allemand (Autriche) par Eric Dortu
ISBN 2-911686-02-0
1999
16 €

La bave mousseuse s’égouttait de la mâchoire velue des buffles noirs qui ruminaient debout dans l’eau peu profonde. Les longs filaments tombaient dans le fleuve, et avant d’éclater, les bulles de salive gluantes flottaient quelques instants encore sous le mufle des animaux, à la surface de l’eau du Gange couleur de plomb. Des corbeaux étaient perchés sur l’échine et les pattes de ces buffles d’eau, débarrassant leur peau de sa vermine. L’un d’entre eux se cramponnait de ses griffes à l’oreille du ruminant et picorait sans cesse le pavillon de l’animal, de son long bec à l’extrémité légèrement recourbée. Effrayés par le cri d’un adolescent vêtu d’un pagne imitation peau de tigre – le jeune garçon avait aussi un anneau dans le nez et une petite mèche frisottée qui lui descendait dans la nuque -, plus de cinquante perroquets verts au bec rouge s’échappèrent, dans un claquement d’ailes, des trous et des niches d’un four crématoire électrique. Le jeune garçon qui tenait des bâtons d’encens dans la main poussa un second cri avant de sauter par-dessus un mort enveloppé de tissus de couleurs et attaché sur une civière faite de sept cannes de bambou, posée sur les marches de l’escalier, près du feu sacré qui brûle éternellement. À ce moment précis, les jeunes paysans en pagne, occupés sur la rive du Gange à frotter la tête des buffles avec des cordes nouées ensemble, levèrent les yeux et regardèrent en direction du feu sacré devant lequel un petit garçon au crâne rasé, portant dans ses bras un chevreau blanc aux pattes agitées de soubresauts nerveux, descendait l’escalier jusqu’au site d’incinération. Le garçon se frottait la bouche contre le pelage de l’animal qui bêlait dans ses bras et remuait ses pattes longues et fines.

traduit de l’allemand (Autriche) par Eric Dortu

Schäumender Speichel tropfte vom behaarten Unterkiefer der wiederkäuenden, im seichten Flußwasser stehenden schwarzen Wasserbüffel und fiel, Fäden ziehend, langsam in den Fluß. Die Blasen des klebrigen Speichels trieben, bis sie zerplatzten, unter den Schnauzen der Wasserbüffel auf der Wasseroberfläche des bleifarbenen Ganges. Raben saßen auf den Rücken und Köpfen der Wasserbüffel und fraßen Ungeziefer aus ihrer Haut. Ein Rabe krallte sich am Ohr eines Wasserbüffels fest und pickte mit seinem langen, an der Spitze leicht gebogenen Schnabel immer wieder in die Ohrmuschel hinein.Aufgeschreckt vom Schrei des halbwüchsigen, einen Lendenschurz mit Tigerfellmuster tragenden Jungen mit dem Nasenring, der an seinem Hinterkopf ein geringeltes, bis zu seinem Halswirbel hinunterreichendes Haarzöpfchen trug, flatterten mehr als fünfzig grüne Papageien mit roten Schnäbeln aus den Löchern und Nischen des elektrischen Krematoriums. Als der einen zweiten Schrei ausstoßendenjunge, ein Bündel Räucherstäbchen in seiner Hand haltend, neben dem ewig brennenden heiligen Feuer über einen auf der Treppe liegenden, in farbige Tücher eingewickelten und auf eine siebensprossige Bambustragbahre aufgebundenen Toten sprang, hoben die halbwüchsigen, einen Lendenschurz tragenden Bauernjungen, die am Ufer des Ganges mit verknoteten und zusammengelegten Stricken die Köpfe der Wasserbüffel abrieben, ihre Häupter und blickten hinauf zum ewig brennenden heiligen Feuer, an dem vorbei ein glatzköpfiger, kleiner Junge ein weißes, in seinen Armen strampelndes Zicklein über die Steinstiege hinunter zum Einäscherungsplatz trug. Der Junge putzte seinen Mund am Fell des meckernden und mit den langen, dünnen Beinen in seinen Armen strampelnden Tieres ab.